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Comment l’hyperconnexion impacte notre santé mentale et nos modes de travail ?

addiction aux réseaux sociaux,

Depuis l’apparition des smartphones et des réseaux sociaux, l’hyperconnexion a soulevé de nouvelles problématiques, affectant à la fois la santé mentale et nos modes de travail. Le docteur Thibaud Dumas, spécialiste en neurosciences cognitives, nous éclaire sur ce phénomène.

Thibaud Dumas : un expert en neurosciences cognitives

Thibaud Dumas a obtenu son doctorat en neurosciences cognitives à l’Université Pierre et Marie Curie. Il est spécialisé dans l’étude de l’hyperconnexion et ses effets sur la santé mentale et les modes de travail. En plus de ses recherches académiques, il a participé à la création de My Brain Technologies, une entreprise dédiée à simplifier l’interprétation des dynamiques cérébrales et à extraire des informations pertinentes pour mieux comprendre l’impact de les produits ou services d’une industrie sur le cerveau de leurs utilisateurs. Il est également à l’origine de l’association Attention Hyperconnexion, qui sensibilise le public aux dangers de l’hyperconnexion. Actuellement, en tant que directeur scientifique chez Into the Tribe, il poursuit ses travaux sur les impacts des technologies numériques. Dumas intervient régulièrement auprès du grand public, des écoles et des entreprises pour partager son expertise. 

Comprendre les neurosciences cognitives

Les neurosciences cognitives se concentrent sur les mécanismes cérébraux qui sous-tendent des processus tels que la mémoire, le langage, les émotions et la concentration. Grâce à des méthodes d’imagerie cérébrale, cette discipline permet de comprendre comment les neurones communiquent et quelles zones du cerveau s’activent. Cela aide à identifier les différences entre un fonctionnement cérébral normal et pathologique. Par exemple, en observant les schémas d’activation neuronale, les neuroscientifiques peuvent déterminer comment les technologies numériques influencent nos capacités cognitives et émotionnelles.

Les Effets de l’hyperconnexion

hyperconnexion sur les smartphones

Avec l’essor d’Internet, des smartphones et des réseaux sociaux, de nouveaux troubles comportementaux similaires à des addictions sont apparus. L’hyperconnexion, ou utilisation excessive des technologies numériques, peut entraîner des impacts négatifs sur la santé mentale, tels que l’anxiété, la dépression et le stress. Dumas explique que ce phénomène est difficile à quantifier de manière précise car il varie selon les individus et les conséquences sur leur vie quotidienne, personnelle ou professionnelle. Les signes d’alerte incluent un sentiment de perte de contrôle, le besoin d’augmenter sa « dose » numérique, et des effets de sevrage en cas de déconnexion. Par exemple, un utilisateur peut ressentir une forte anxiété et se sentir mal lorsqu’il est incapable de vérifier ses notifications ou de se connecter aux réseaux sociaux.

Évolution des comportements avec l’arrivée des nouvelles technologies

Les premiers signes d’hyperconnexion ont été observés dès l’introduction d’internet dans les foyers dans les années 1990. Cependant, l’arrivée du smartphone a radicalement changé nos habitudes, rendant l’accès à internet quasi constant. Le smartphone, en tant qu’outil portable et personnel, a facilité une connexion continue, modifiant nos interactions sociales et professionnelles. L’intégration des réseaux sociaux a amplifié ce phénomène, en captant l’attention des utilisateurs par des mécanismes comme les likes, le scroll infini, les formats courts et l’autoplay. Ces fonctionnalités exploitent des mécanismes psychologiques pour maintenir l’utilisateur engagé, ce qui peut conduire à une utilisation excessive et compulsive.

Populations touchées par l’hyperconnexion

Les adolescents, et particulièrement les adolescentes, sont fortement impactés par des questions de perception du corps et de comparaison sociale, exacerbées par les réseaux sociaux. Les plateformes de médias sociaux créent un environnement où la validation sociale est souvent mesurée par des likes et des followers, ce qui peut affecter l’estime de soi et le bien-être psychologique des jeunes utilisateurs. Les adultes ne sont pas épargnés, surtout dans le milieu professionnel où l’hyperconnexion modifie les modes de travail. Par exemple, les professionnels sont souvent soumis à une pression constante pour rester connectés et réactifs, ce qui peut entraîner du stress et de l’épuisement professionnel. Les agriculteurs et artisans, traditionnellement moins concernés par les technologies numériques, sont désormais également touchés, démontrant l’étendue de l’impact de l’hyperconnexion.

En ce qui concerne la tranche d’âge touchée, il est évident que plus on est jeune, plus on est vulnérable. Cependant, l’impact de l’hyperconnexion dépend surtout de notre degré de contrainte face à l’usage numérique. Ai-je la possibilité d’organiser moi-même ma relation avec ces outils ? Ce niveau de liberté varie d’une personne à l’autre. Par exemple, pour ceux dont le travail repose sur leur présence en ligne, comme les influenceurs, il est difficile de mettre en place des limites. Ces dernières années, de nombreux influenceurs ont signalé des effets négatifs sur leur santé mentale et un besoin de se déconnecter. 

Le parallèle avec la santé mentale

Le sujet de la santé mentale devient moins tabou, facilitant les discussions sur les impacts de l’hyperconnexion. Il est important d’éduquer sur la santé mentale, notamment en expliquant les différences entre psychiatre, psychologue, psychothérapeute et psychanalyste, et en sensibilisant aux effets de l’usage numérique. Plus les gens comprennent ces distinctions et les implications de l’hyperconnexion, mieux ils peuvent prendre des mesures pour préserver leur santé mentale. Par exemple, comprendre que l’anxiété liée à l’hyperconnexion peut nécessiter une approche thérapeutique différente de celle des troubles alimentaires est essentiel pour une prise en charge adéquate.

Prévention : prévenir plutôt que guérir

Il est primordial d’intervenir tôt pour prévenir les effets néfastes de l’hyperconnexion. Des initiatives existent déjà dans les écoles et les entreprises pour sensibiliser aux bonnes pratiques numériques. Par exemple, des ateliers éducatifs peuvent être organisés pour enseigner aux jeunes et aux professionnels comment gérer leur temps d’écran et utiliser les technologies de manière plus équilibrée. 

Pour les plus jeunes, les signes de dépendance ne diffèrent pas beaucoup de ceux observés chez les adultes. En général, ce ne sont pas les personnes directement concernées qui identifient d’abord leurs comportements problématiques, mais leurs proches. Ces signes incluent une mauvaise perception du temps passé sur les réseaux sociaux, une perte d’attention, une diminution de la vie sociale, et des accès de colère. Les adolescents peuvent parfois avoir une meilleure prise de recul que les adultes sur ces questions. Il peut être bénéfique de faire des exercices en famille ou entre amis, comme tenter une journée déconnectée, noter le ressenti, ou utiliser les fonctionnalités des smartphones pour suivre le temps passé sur diverses applications.

Soigner l’hyperconnexion à un stade pathologique

Bonne nouvelle: les effets néfastes de l’hyperconnexion ne sont pas irréversibles, sauf dans des cas exceptionnels. Il est toujours possible de récupérer l’attention ou la concentration d’avant, et de diminuer son niveau de stress en réaménageant nos usages numériques. Cela peut inclure la réduction du temps passé en ligne et l’arrêt du multitâche. De plus en plus d’unités dédiées aux impacts du numérique sont présentes dans les hôpitaux, proposant diverses techniques de soin et thérapies. Il est fortement recommandé de consulter un professionnel de santé dès les premiers signes de détresse liée à l’hyperconnexion pour éviter des complications plus graves. En santé mentale, comme en santé en général, plus on intervient tôt, mieux c’est. Les signes comme le stress, la perte de contrôle, l’irritabilité et les troubles du sommeil doivent être pris en compte avant qu’ils ne s’aggravent.

Un aspect particulier de l’hyperconnexion est que nous sommes à la fois victimes et créateurs de cet effet. La responsabilité est partagée entre les éditeurs de plateformes numériques et les utilisateurs qui produisent également du contenu. Les plus fervents défenseurs de la lutte contre l’hyperconnexion sont souvent d’anciens ingénieurs des grandes plateformes, conscients des mécanismes qu’ils ont contribué à développer.

Conclusion

L’hyperconnexion est un phénomène complexe et omniprésent qui affecte notre santé mentale et nos modes de travail. La sensibilisation, l’éducation et la mise en place de bonnes pratiques numériques sont essentielles pour atténuer ses effets négatifs. Les professionnels de santé, les éducateurs et les entreprises ont tous un rôle à jouer dans cette lutte contre les excès de la technologie. Il est crucial de trouver un équilibre entre les avantages des technologies numériques et la protection de notre bien-être mental.

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