L’intelligence artificielle (IA) bouleverse de nombreux secteurs, et l’industrie musicale ne fait pas exception. Alors que le sommet de l’IA se tient à Paris les 10 et 11 février 2025, les plateformes de streaming sont au cœur d’un débat sur l’utilisation de cette technologie et la rémunération des artistes. Deezer et Spotify, deux acteurs majeurs du streaming musical, adoptent des approches radicalement différentes. D’un côté, Deezer préfère écarter les contenus générés par IA et mieux rémunérer les artistes, tandis que Spotify les intègre dans ses playlists pour maximiser l’engagement des utilisateurs.
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L’approche « artist-centric » de Deezer : une volonté de protéger les créateurs
L’entreprise française Deezer, fondée en 2007, propose un catalogue de plus de 100 millions de titres. Mais face à l’explosion des contenus, un problème majeur est apparu : chaque semaine, 700 000 nouveaux morceaux sont ajoutés à la plateforme, et 10 % d’entre eux sont générés par intelligence artificielle. Cette prolifération risque de diluer la rémunération des véritables artistes, un phénomène que Deezer souhaite enrayer.
Alexis Lanternier, directeur général de Deezer, déclare : « On est pour le soutien de l’industrie musicale, on ne veut pas diluer la part qui va aux vrais artistes à cause de chansons qui sont générées 100 % par IA, où aucun artiste n’a participé au processus créatif » (source : BFM Business).
Deezer a ainsi choisi de basculer d’un modèle « market-centric » à un modèle « artist-centric ». Dans l’ancien système, les revenus étaient calculés au prorata des parts de marché des morceaux les plus écoutés, avantageant ainsi les gros producteurs et les artistes mainstream. Désormais, avec le système « artist-centric », la rémunération est davantage liée aux morceaux effectivement écoutés par chaque utilisateur, garantissant une meilleure redistribution aux artistes.
Par ailleurs, Deezer a mis en place une politique de suppression des contenus musicaux produits uniquement par IA, afin de préserver l’authenticité de son catalogue.
Spotify : une IA au service de l’engagement utilisateur
Spotify, créé en 2006 en Suède, adopte une stratégie diamétralement opposée. L’entreprise s’appuie largement sur l’IA pour recommander des titres et optimiser l’expérience utilisateur. Depuis 2012, ses recherches ont révélé que la majorité des abonnés utilisent le streaming en « mode passif » : ils écoutent de la musique en fond sonore pour travailler, faire du sport ou se relaxer.
C’est dans ce contexte que Spotify a développé le programme « Perfect Fit Content » (PFC), qui vise à proposer des musiques parfaitement adaptées aux besoins des utilisateurs. Une grande partie de ces morceaux sont générés par IA et intégrés à des playlists populaires, sans mention explicite de leur origine. L’avantage pour Spotify est double : d’une part, ces morceaux étant créés par IA, la plateforme n’a pas à verser de droits d’auteur, réduisant ainsi ses coûts ; d’autre part, ces musiques sont conçues pour maximiser l’engagement et le temps d’écoute.
Mais cette stratégie soulève des questions éthiques et légales. En effet, les musiques générées par IA sont créées à partir de modèles d’entraînement basés sur des morceaux préexistants, sans paiement de droits d’auteur aux artistes originaux. Certaines maisons de disques ont déjà déposé plainte contre des plateformes proposant ce type de service, à l’image de Suno, qui permet de créer des morceaux inédits via IA.
L’industrie musicale face à un tournant
La divergence entre Deezer et Spotify illustre un clivage profond au sein de l’industrie musicale. D’un côté, Deezer prône une approche plus équitable pour les artistes et cherche à réguler l’usage de l’IA. De l’autre, Spotify mise sur l’automatisation et l’engagement utilisateur, quitte à remettre en question le modèle traditionnel de la rémunération artistique.
Cette opposition résonne également dans le débat plus large sur la place de l’IA dans la création artistique. Si elle peut être un outil puissant pour les musiciens, notamment pour la composition et la production, son usage excessif risque de dévaloriser le travail des artistes et d’éroder leur rémunération.
L’avenir du streaming musical se jouera donc entre ces deux visions : un modèle plus respectueux des artistes ou une approche ultra-optimisée par l’IA. Dans ce contexte, les régulateurs et les maisons de disques devront probablement intervenir pour poser un cadre plus strict sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’industrie musicale.