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Bilan sur l’influence marketing, un an après la loi “influvoleurs”

By 10 juin 2024 No Comments

influence marketing

En juin 2023, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi visant à réguler le domaine de l’influence commerciale afin de fournir un cadre plus clair aux créateurs de contenus. Cette loi fait suite au scandale des « influvoleurs » de fin 2021, impliquant le rappeur français Booba qui a porté plainte contre Magali Berdah, patronne de la société Shauna Events pour “pratiques commerciales trompeuses”. Un an après la loi, le festival « Et demain ? » qui s’est tenu à Nantes le 5 et 6 juin 2024, a réuni des experts autour d’une table ronde pour discuter de ses impacts et de l’évolution du secteur.

Qui sont les intervenants de la table ronde ?

Lors du festival « Et demain ? », une table ronde animée par la journaliste et animatrice d’événements professionnels et institutionnels, Magali Delivet, a réuni plusieurs intervenants pour discuter des impacts de la loi « influvoleurs » un an après sa promulgation. Voici les participants concernés : 

Créatrice de contenu, Imane Bounouh

Imane Bounouh est une créatrice de contenu marseillaise qui gère le compte Instagram @grimpe.fr, rassemblant plus de 96 000 abonnés. Avec son compte instagram, elle vise à accompagner les jeunes issus de milieux populaires sur des questions liées à l’éducation et au travail. A ce jour, plus de 100 000 jeunes ont déjà été accompagnés.

« Je veux que tu réussisses plus, que tu galères moins et que tu te sentes mieux », déclare-t-elle sur @grimpe.fr

En parallèle, elle travaille également en tant que responsable relations presse et influence pour Les Nouvelles Voix, une association dédiée à renforcer la visibilité, la diversité et le renouvellement des personnalités engagées dans la transition écologique et sociale en France, afin de mieux communiquer avec tous les segments de la population.

Lauriane Le Texier, fondatrice de l’agence Parisienne

Lauriane Le Texier est la présidente et fondatrice de l’agence parisienne La Louve & Partners, spécialité en stratégie d’influence en France et à l’international. Elle conçoit des stratégies et recommandations innovantes et complètes pour les marques. 

Elle est également professeure dans plusieurs écoles de publicités, conférencière et  membre du comité exécutif de l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (UMICC), une organisation qui a pour mission de promouvoir une image positive des créateurs de contenu auprès du public et dans les médias.

Alexandre Bigot-Joly, fondateur d’INFLUXIO Avocats

Alexandre Bigot-Joly est un avocat au Barreau de Paris mais est également fondateur d’INFLUXIO Avocats, un cabinet dédié à l’accompagnement juridique dans les domaines de l’influence marketing, du médias et de l’audiovisuel, de la publicité, de la propriété intellectuelle et de la e-réputation et des réseaux sociaux.

Une loi nécessaire mais des règles déjà existantes 

Tous s’accordent à dire que la nouvelle loi était nécessaire mais qu’elle ne fait que compiler des règles déjà existantes. Alexandre Bigot-Joly rappelle que les mesures contenues dans la loi étaient déjà présentes dans diverses sources juridiques : 

« L’idée de cette loi a été de venir compiler l’ensemble de ces législations qui existaient pour faire un guide, une charte. Pour autant, ces règles existaient déjà dans d’autres domaines, » explique-t-il.

Imane Bounouh et Lauriane Le Texier soulignent que la majorité des créateurs de contenu respectaient déjà des règles strictes avant la loi. Par exemple, Imane s’interdit de promouvoir certains types de produits, tels que les paris sportifs, les produits financiers ou ceux relatifs à la santé. Elle insiste sur l’importance de la transparence envers sa communauté en indiquant clairement les partenariats. Lauriane, quant à elle, s’appuyait sur les recommandations de l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), bien qu’elle admette avoir parfois manqué de prudence à ses débuts.

Légitimation des métiers de l’influence grâce à cette loi

légitimation du métier de l’influenceur

Malgré tout, la médiatisation de la loi a eu un impact significatif sur le public, les créateurs et les marques, renforçant la légitimité du métier de créateur de contenu. Selon Imane Bounouh, la loi a établi un cadre plus professionnel pour les métiers de l’influence et de la création de contenu, facilitant la distinction entre ceux qui « font n’importe quoi » et ceux « qui s’imposent une déontologie ». Désormais, les marques savent mieux vers qui se tourner. Par exemple, Lauriane a expliqué que le groupe L’Oréal ne collabore à présent qu’avec des influenceurs ayant obtenu la certification de l’ARPP.

Certification de l’ARPP : qu’est-ce que c’est et pourquoi?

L’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) est une certification de l’influence responsable visant à promouvoir un marketing d’influence éthique et respectueux des publics. Grâce à cette certification, les créateurs de contenu apprennent à être transparents sur leurs partenariats et à respecter les règles spécifiques à chaque secteur. Parmi les influenceurs français ayant validé cette certification, on peut citer Lena Mahfouf (Lena Situations), Bilal Hassani, Lenna Vivas, et Hugo Travers (HugoDécrypte).

Selon l’Observatoire de l’Influence Responsable, en 2020, plus d’un contenu sur quatre publié par les influenceurs manquait de transparence sur la collaboration commerciale. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a révélé qu’après deux ans d’enquête, 6 influenceurs sur 10 ne respectaient pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Pour remédier à cette situation, l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) a instauré en 2021 un certificat de l’influence responsable.

Des sanctions et une régulation renforcée

Les premières sanctions en 2023 ont pris certains créateurs de contenu par surprise, principalement parce qu’ils n’étaient pas toujours informés des lois existantes. Alexandre a notamment expliqué que ces sanctions, délivrées par la DGCCRF, ont été perçues comme injustes par certains, qui ne comprenaient pas que la loi s’appuyait sur des régulations déjà en place et non rétroactives.

Pour rappel, la nouvelle loi entrée en vigueur en 2023 visait à encadrer l’activité d’influenceur et a introduit plusieurs mesures importantes :

  • L’interdiction de promouvoir certains biens et services, comme la chirurgie esthétique ou les produits contenant de la nicotine.
  • L’obligation de mentionner toute retouche photo à des fins publicitaires.
  • L’obligation pour les influenceurs opérant à l’étranger, notamment à Dubaï où les règles fiscales sont plus avantageuses, de souscrire à une assurance civile au sein de l’Union européenne pour indemniser d’éventuelles victimes.

En cas de manquement à ces règles, les influenceurs risquent jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende. Depuis l’adoption de cette loi, plusieurs influenceurs ont été sanctionnés pour pratiques commerciales trompeuses, telles que des partenariats non mentionnés, des publicités trompeuses ou la promotion d’injections d’acide hyaluronique. Ces influenceurs ont été contraints d’afficher sur leur compte Instagram épinglé en haut de leur compte durant un mois, une publication de la répression des fraudes indiquant « les agents de la DGCCRF ont initié une injonction administrative ».

Sélection rigoureuse des partenariats

Pour les créateurs de contenu, le tri des partenariats est primordial. Imane Bounouh évoque des sollicitations variées et parfois problématiques, incluant des produits dangereux et des tentatives d’ingérence, comme la promotion du vaccin russe Sputnik durant la crise du Covid. Elle souligne l’importance de comprendre le contexte politique et d’identifier les acteurs derrière chaque demande.

Pour accompagner les créateurs de contenus, le comité éthique de l’UMICC a mis en place une charte éthique et déontologique incluant un « brand checking », qui répertorie les questions à se poser avant de débuter un partenariat. Dans son agence, Lauriane Le Texier a instauré une règle spécifique pour les produits cosmétiques : ils doivent être testés par le créateur pendant au moins 21 jours avant le lancement de la campagne. 

Dans l’audience, une spectatrice a notamment évoqué la vidéo de Simon Puech, où le YouTuber se faisant passer pour une marque, est parvenu à établir des partenariats avec des influenceurs pour promouvoir un produit contenant du poison, mettant en lumière les dangers d’une absence de vérification rigoureuse.

Vers une régulation de l’IA ?

La prochaine étape pourrait concerner l’intelligence artificielle dans l’influence. Imane Bounouh reste sceptique sur l’impact des influenceurs virtuels, misant sur l’authenticité du contenu humain. Cependant, elle reconnaît que l’usage de l’IA pour la création de contenu progresse, notamment pour l’inspiration sur des sujets avec des outils comme ChatGPT.

Alexandre Bigot-Joly souligne que l’incursion de l’IA dans le monde de l’influence soulève de nouvelles problématiques réglementaires, notamment en termes de droit d’auteur et de droit à l’image. Avec des technologies comme les “deep fakes”, où l’image d’une personne réelle est utilisée pour créer du contenu, la question de la rémunération et de la protection de l’image devient essentielle.

 

Un an après l’entrée en vigueur de la loi « influvoleurs » de 2023, le bilan montre une double avancée : d’une part, la profession de créateur de contenu et d’influenceur a gagné en légitimité, et d’autre part, les règles existantes ont pu être clarifiées. Du côté des marques, elles bénéficient désormais d’une meilleure distinction entre les influenceurs respectant les normes éthiques et ceux qui ne le font pas, notamment grâce à la certification de l’ARPP. Du côté des influenceurs, la loi a favorisé une plus grande transparence et une sélection plus judicieuse des collaborations. À l’avenir, le marketing d’influence pourrait connaître de nouvelles régulations, notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle, nécessitant une adaptation continue des pratiques et des législations.

Nous espérons que cet article vous aura été utile. N’hésitez pas à consulter nos autres articles pour ne rien manquer des actualités liées à l’entrepreneuriat. 

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